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La vente de cannabidiol (CBD) est-elle autorisée en France ?

Perspectivas Is Cannabidiol (CBD) Authorized for Sale in France? Olivia Lê Horovitz · January 26, 2022

Quelle est la situation juridique du CDB en France ?

Après plusieurs années de bataille et d’incertitudes juridiques, le cannabidiol (ou CBD), molécule non psychotrope du chanvre, est enfin autorisé à la vente en France alors que sa consommation était déjà permise dans toute l’Union européenne.

La Cour de justice de l’Union européenne (“CJUE “), dans une décision du 19 novembre 2020, avait invalidé l’interdiction faite par la France de vendre des produits à base de CBD qui étaient déjà autorisés dans d’autres États membres européens sur la base de la libre circulation des marchandises, un des piliers du marché unique européen, dans la mesure où les effets nocifs de ces produits sur la santé ne pouvaient être démontrés. A la lumière de cette décision, le 20 juillet 2021, le gouvernement français a soumis à la Commission européenne son projet de décret sur le chanvre visant à modifier le texte en vigueur du 22 août 1990. Le projet vise à réglementer la culture, l’importation, l’exportation et l’utilisation industrielle et commerciale de toutes les parties de la plante de chanvre en France.

La Commission a rendu son avis le 12 novembre 2021 et le décret français a finalement été publié le 30 décembre 2021.

En substance, le nouveau décret étend l’autorisation de culture, d’importation, d’exportation et d’utilisation industrielle et commerciale du chanvre dont la teneur en THC est inférieure à 0,3% à toutes les parties de la plante, alors que l’utilisation était auparavant limitée aux seules fibres et graines. Cette mesure est conforme aux règles de la politique agricole commune qui entreront en vigueur le 1er janvier 2023.

Par ailleurs, le décret autorise une augmentation des taux de THC dans les produits finis qui était auparavant de 0%. Toutefois, cela n’est autorisé que pour les produits transformés en huiles, par exemple ceux intégrés dans des produits cosmétiques, des compléments alimentaires ou encore des cartouches pour le vaping.

Les fleurs et les feuilles brutes ne peuvent être récoltées, importées ou utilisées que pour la production industrielle d’extraits de chanvre, ce qui signifie que la vente aux consommateurs de fleurs ou de feuilles brutes sous quelque forme que ce soit, seules ou mélangées à d’autres ingrédients, ainsi que leur possession par les consommateurs ou leur consommation sont interdites.

Quel est l’impact du nouveau décret français sur le commerce du CBD ?

Selon les professionnels du secteur, la fleur de chanvre représente actuellement 50 à 70% du chiffre d’affaires des détaillants, hors buralistes.

En outre, les produits du chanvre “ne peuvent être importés de pays extérieurs à l’Union européenne ou exportés hors de l’Union européenne que s’ils sont accompagnés de documents attestant de leur conformité“.

Selon les autorités françaises, cette restriction vise non seulement à protéger l’ordre public en évitant toute confusion avec des produits stupéfiants, mais aussi la santé publique en évitant les effets incertains des produits à base de CBD sur la santé. De plus, il semble que les autorités considèrent que la police ne sera pas en mesure de déterminer la différence entre les fleurs de THC et le CBD.

Ce décret est manifestement contraire à la décision de la CJUE qui a rappelé que contrairement au tétrahydrocannabinol (THC), la molécule du cannabis sativa aux effets psychoactifs, le CBD ne peut pas être considéré comme un stupéfiant, car il n’a “aucun effet psychotrope ou nocif pour la santé humaine“. Le 23 juin 2021, la Cour de cassation française a déclaré que les fleurs produites légalement dans un pays européen ne pouvaient être considérées comme des stupéfiants et ne peuvent être interdites en France. En revanche, elle ne s’est pas prononcée sur la question de fond d’une interdiction de commercialisation au nom de l’objectif de protection de la santé publique.

Qui conteste le décret français ?

L’adoption de ce décret n’a donc pas résolu toutes les difficultés françaises sur le statut du CDB. En particulier, plusieurs producteurs et syndicats et associations professionnelles ont déjà fait part de leur volonté de contester ce décret devant les instances européennes.

Des recours, notamment autour de la définition des critères de classement des stupéfiants, ont été portés devant le Conseil Constitutionnel qui a jugé, le 7 janvier 2021, que le décret gouvernemental interdisant la vente de feuilles et de fleurs brutes de CBD, est constitutionnel. Toutefois, la décision ne porte pas sur l’interdiction de la vente et de la détention de fleurs de chanvre, mais simplement sur la constitutionnalité du décret. Le Conseil a également déclaré que les produits à base de cannabidiol (CBD), y compris la fleur, n’étaient pas inclus dans la liste des substances psychotropes et en a profité pour retenir deux critères cumulatifs pour définir une drogue : ” la dépendance ” et ” les effets nocifs sur la santé “.

Un référé a été déposé devant le Conseil d’Etat par l’Union des professionnels du CBD le 1er janvier 2022. Le 24 janvier 2022, le Conseil d’État a suspendu l’exécution des dispositions du décret relatives à l’interdiction de la vente aux consommateurs, de la détention et de la consommation des fleurs et des feuilles à l’état brut. Selon les juges, il ne ressort pas des débats que les fleurs et feuilles de chanvre dont la teneur en THC n’excède pas 0,3 % seraient suffisamment nocives pour la santé pour justifier une mesure d’interdiction totale et absolue. Ce seuil est celui retenu par le décret attaqué lui-même, pour caractériser les plantes autorisées à la culture, à l’importation, à l’exportation et à l’usage industriel et commercial. Il n’est pas non plus impossible de contrôler la teneur en THC selon la décision. Par conséquent, ces dispositions du décret sont suspendues jusqu’à ce que le Conseil d’État, statuant au fond, se prononce sur leur légalité.

Quels sont les produits CBD dont la vente est autorisée ?

La vente de fleurs constitue en effet l’essentiel du chiffre d’affaires des 1 800 magasins CBD implantés en France. Le décret du 31 décembre 2021, justifié principalement par des raisons de santé publique, est donc, pour la filière, un séisme.

Les magasins et tabacs CBD ont dues cesser de vendre des fleurs et des feuilles de chanvre brutes dès le début de l’année en attendant la décision du Conseil d’État.

Toutefois, la bonne nouvelle pour tous les distributeurs et fabricants de CBD est que les produits contenant moins de 0,3 % de THC sont désormais autorisés à la vente, ce qui n’était pas le cas auparavant.

L’autre avantage est que la récolte des fleurs et des feuilles pour produire des extraits de chanvre est désormais autorisée, ce qui devrait être bénéfique pour le secteur agricole.

Cependant, le CBD est considéré comme un nouvel aliment et, par conséquent, le CBD et les denrées alimentaires qui en contiennent ne peuvent être commercialisés sans l’évaluation préalable de l’Autorité Européenne de Sécurité des Aliments (EFSA) et sans autorisation.

L’EFSA est donc censée donner son feu vert pour chaque nouveau produit alimentaire à base de CBD. Or, selon l’association professionnelle du chanvre, les dossiers soumis à ce jour (plus d’une centaine) sont toujours en attente de validation, ce qui laisse les professionnels du secteur dans une situation très incertaine.

A ce jour, les autorités européennes interdisent la commercialisation d’aliments ou de compléments alimentaires contenant du CBD dans toute l’Union européenne, lorsqu’elle n’est pas spécifiquement autorisée par les dispositions de ce règlement.

L’EFSA devrait faire connaître sa position vers le début de l’année 2022 sur la sécurité du CBD en tant qu’aliment nouveau, ce qui devrait faciliter les futures demandes.

Quelles devraient être les prochaines étapes ?

Le conflit n’est pas nouveau et dure depuis quelques années. En effet, les pouvoirs publics ont assisté à l’essor de la nouvelle industrie du chanvre « bien-être ». Avec la légalisation du cannabis dans certains pays comme le Canada et dans de nombreux États des États-Unis, l’industrie du CBD ou cannabidiol a vu le jour.

Ce marché représente déjà environ 3 milliards d’euros par an dans le monde. L’Europe devrait à terme représenter 30% du marché mondial.

Le marché français est déjà estimé à 300 millions d’euros et devrait atteindre 1,5 milliard par an dans quelques années, avec au moins 10 000 personnes employées dans cette industrie. Cependant, les deux tiers de ce marché devraient provenir de la commercialisation des fleurs et des feuilles brutes. Si la France ne se situe qu’au 3e ou 4e rang européen en termes de consommation, elle est, sur le plan agricole, le premier producteur européen de chanvre et le troisième au monde après la Chine et le Canada (qui alimente l’immense marché américain).

La bataille n’est donc pas terminée entre l’industrie du chanvre et les défenseurs de la liberté économique d’une part, et les pouvoirs publics d’autre part !

Nous restons dans l’incertitude quant au cadre juridique français du marché de la CBD en attendant une décision finale sur le bien-fondé de la légalité du décret contesté.

Plus généralement, l’élaboration d’une approche européenne commune des produits à base de CBD est souhaitable.

Voici donc quelques-unes des mesures importantes à prendre :

  • Assurez-vous que les produits à base de CBD que vous fabriquez et vendez ou distribuez sont conformes à la réglementation française et européenne.
  • Si vous distribuez vos produits CBD dans des pays autres que la France (ou dans d’autres États membres de l’UE), demandez des éclaircissements pour savoir si ces produits peuvent être importés en France.
  • Assurez-vous que les produits à base de CBD que vous importez sont conformes à la réglementation européenne et, en particulier, qu’ils ont été approuvés par l’UE en tant que « nouveaux aliments ».
  • Vérifiez que les publicités faites pour les produits contenant du CBD ne créent pas de confusion avec le cannabis et ne font pas d’allégation thérapeutique.

Plus généralement, il est important de se tenir au courant des changements réglementaires relatifs au CBD en Europe pour bien comprendre ce qui est autorisé et ce qui ne l’est pas.

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